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Pourquoi la dette détenue par la BCE ne peut pas être annulée ?

La BCE rachète les titres de la dette publique principalement par deux programmes : le « Securities Markets Programme » (SMP) et un programme d’achat de titres du secteur public (PSPP).

Lancé en 2010, le programme « Securities Markets Programme » (SMP) consiste à racheter sur le marché secondaire les obligations souveraines des États de la zone euro faisant face à la défiance des investisseurs qui exigeaient des rendements plus élevés pour acquérir ces titres vu les taux d’émission.

Le programme SMP a été remplacé, en septembre 2012, par le programme « Outright Monetary Transactions » (OMT). Il n’a toutefois pas débouché sur l’acquisition de nouveaux titres par la BCE. Conçu au plus fort de la crise de la dette dans la zone euro après 2008, le programme OMT permettait à la BCE d’acheter directement de la dette souveraine d’un pays donné sans aucune limite.

Mais en mars 2015, la BCE adopte un autre programme visant l’acquisition d’obligations souveraines sur les marchés secondaires (PSPP). Il a pour but de revenir toujours à un taux d’inflation inférieur à, mais proche de 2%. Elle estime qu’une acquisition massive de titres sur le marché secondaire, en favorisant la baisse des taux réels, facilite l’accès au financement et à l’expansion de l’activité économique. Le 12 mai 2017, le volume du programme PSPP s’élevait à 1 534,8 Md€. La durée d’application prévisible du programme PSPP s’étendait initialement jusqu’à la fin du mois de septembre 2016. Cette durée a ensuite été prolongée à plusieurs reprises.

En décembre 2020, pour contrer les effets de la Covid-19, la BCE a préféré lancer un nouveau programme de rachats de dette souveraine de 750 Md€ en remplacement de l’OMT baptisé Programme d’achats d’urgence pandémique (PEPP). Le Conseil des gouverneurs de la BCE a de nouveau décidé d’augmenter l’enveloppe consacrée au programme PEPP de 500 Md€, la portant à un total de 1.850 Md€ d’euros. Le Conseil a également décidé d’étendre l’horizon fixé pour les achats nets au titre du PEPP au moins jusqu’à fin mars 2022. Le but est d’arriver toujours et toujours aux mêmes perspectives d’inflation qui convergent de manière robuste vers un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2%, mais jamais obtenu. La BCE pourrait également offrir plus de prêts ciblés et à bon marché (TLTRO) aux banques qui en ont besoin : «L’expansion du PEPP assouplira davantage l’orientation générale de la politique monétaire, soutenant les conditions de financement dans l’économie réelle, en particulier pour les entreprises et les ménages», explique la BCE dans un communiqué [1]

Il n’y a pas eu de création de monnaies par les programmes SMP et PSPP ou PEPP. En effet, la BCE a bien injecté de liquidités lors de ses achats mais elle procédait immédiatement à l’assainissement de cette injection. Elle intervenait auprès des banques émettrices pour retirer exactement le même montant.

La BCE devra poursuivre sa politique monétaire très souple en gardant pour longtemps une partie des dettes publiques à son bilan. Par contre, elle n’ira pas jusqu’à l’annulation des dettes des États comme le souhaite plusieurs économistes européens et surtout français. Pourquoi ?

Pour comprendre. Dans le compte de bilan de la BCE, comme tout autre société, il y a des charges et des produits et des actifs et des passifs. Les conventions d’écriture stipulent en effet que les comptes de charges et d’actif (partie gauche) fonctionnent de la même façon en augmentant par le débit et en diminuant par le crédit. Inversement, les comptes de produits et de passif (partie droite) augmentent par le crédit et baissent par le débit. Dans le bilan de la BCE, les dettes rachetées par la BCE sont comptabilisées dans les Actifs (55% des actifs en 2019 dont 80% pour le SMP et le PSPP), dans la rubrique « titres détenus à des fins de politiques monétaires ». Les titres actuellement détenus sont comptabilisés au coût amorti et soumis à dépréciation [2]. D’après le bilan de la BCE, il n’est pas possible d’avoir le détail des éléments du patrimoine, ni le détail des capitaux propres et des dettes. Dans le bilan, nous trouvons les montants sous la forme d’une position nette unique dans les rubriques tels que créances intra-européennes.

L’annulation des dettes des États de la zone euro achetées par la BCE, crée une perte. La perte qui pourrait résulter de cet abandon d’actif sera susceptible d’affecter sensiblement les capitaux propres de la BCE et l’obliger par conséquent à opérer une recapitalisation ou à réduire son capital. Dans ce cas la BCE doit obtenir l’accord de ses actionnaires qui sont aujourd’hui les 19 Banques Centrales Nationales BCN des pays membres de la zone euro. Chaque BCN possède une part du capital de la BCE. « Les parts des BCN dans le capital de la BCE sont calculées sur la base d’une clé reflétant la part des différents pays dans la population totale et le produit intérieur brut de l’UE, ces deux données étant assorties d’une pondération identique. La BCE ajuste les parts tous les cinq ans et chaque fois que le nombre de BCN (des États membres de l’UE) contribuant au capital de la BCE varie. Les ajustements sont opérés sur la base des données fournies par la Commission européenne » (Banque Centrale Européenne) [3]. Chacune donc a apporté une certaine somme d’argent afin que la BCE puisse réaliser ses objectifs qui sont le maintien de la stabilité des prix dans la zone euro.

Pour équilibrer son bilan, la BCE aurait 3 solutions. La première serait d’augmenter son ratio de fonds propres. Elle céderait alors des actifs afin de réduire la taille de son bilan. Ainsi, le rapport entre fonds propres et actifs augmenterait. Mais malheureusement on serait dans le cas d’abandon et non de cession d’actif, donc pas de retour de liquidités. La deuxième solution pourrait accroitre les bénéfices non distribués aux actionnaires qui sont les BCN détenus à 100% par les États membres. Mais malheureusement, cette autre approche ne serait pas réaliste vu les bénéfices générés par la BCE (2,366 Md€ en 2019). La troisième solution pourrait être de recapitaliser ou augmenter ses capitaux propres comme vu plus haut. Mais malheureusement, cette approche ferait naître une crainte d’une augmentation future d’impôts qui pourrait pénaliser la croissance.

Si la décision des BCN est d’augmenter le capital de la BCE, le coût sera réparti entre les BCN en fonction de leur participation au capital de la BCE. Cette répartition est très difficile à faire valider compte tenu des statuts de la BCE et du règlement 1009/2000 du conseil du 8 mai 2000 qui stipule : « La BCE est par conséquent dotée d’un capital initial s’élevant à 5 milliards d’euros. En cas de besoin, ce montant peut être augmenté par décision du conseil des gouverneurs, dans les limites définies par un acte du Conseil à savoir cinq milliards d’euros« . A titre d’information, la BCE détient aujourd’hui 417 Md€ de dettes françaises avec un capital d’environ 7,7 Md€ [4]. Ce qui est plus important pour une banque est d’augmenter plutôt son ratio de fonds propres.

Si la décision des BCN est de réduire le capital alors la BCE, avec un capital négatif, aura-t-elle les capitaux propres (capital + réserves) nécessaires pour maintenir la stabilité des prix ? Si la BCE a des capitaux propres négatifs, cela signifie théoriquement qu’elle n’a plus aucune valeur, voire qu’elle a une valeur négative. Il s’agit d’un signal particulièrement négatif pour les marchés financiers et la stabilité de l’euro. L’Europe ne peut pas conduire la même politique budgétaire que l’Argentine [5]

Après les raisons comptables, il y a des raisons légales. Vu les traités Européen, qui excluent le financement monétaire des déficits publics, la BCE ne peut pas « annuler » tout ou partie des dettes des États qu’elle détient dans son bilan. On a vu que la BCE peut créer des liquidités en échange d’une création de monnaie. Elle peut échanger des billets contre une dette publique à condition que cette dette soit remboursée avec les billets et que la masse monétaire diminue en conséquence. Les pays de la zone euro peuvent modifier les traités à la majorité. Pour cela, il faut être sûr que le jeu est gagnant pour l’économie Européenne. La majorité des pays Européens pense le contraire.

A l’origine des titres, il y a eu des emprunts d’États via des banques commerciales, création de monnaie, injection de liquidités par la BCE et reprise de la même liquidité lors de l’achat des mêmes titres par la BCE. L’annulation des titres par la BCE n’annule pas la masse monétaire ainsi créée. La BCE a toujours un bilan équilibré puisque l’émission à son passif a comme contrepartie des obligations d’État à son actif. En outre, elle ne pratique pas la « monnaie hélicoptère » comme peut le faire la Federal Reserve Bank ou FED aux États-Unis [6], expression imaginée en 1969 par l’économiste américain Milton Friedman pour qualifier le versement direct et sans contrepartie de monnaie centrale aux ménages (ou aux entreprises) pour soutenir l’activité.[7]

Il faut rappeler que la masse monétaire est le volume de monnaie en circulation à un instant T et pouvant être convertis en liquidité. Il y a un lien direct entre la quantité de monnaie en circulation et le niveau des prix. Si la masse monétaire devient trop importante cela crée de l’inflation et la monnaie perd donc de sa valeur face aux autres devises [8].

L’augmentation de la monnaie fait grimper la bourse. Compte tenu de la concentration des actions dans les mains des 0,1% des français les plus aisés, c’est une rémunération non justifiée qui va être distribuée au plus riches [9]. La proposition du FMI en 2016, dirigée par Christine Lagarde, est plus que jamais d’actualité : « taxer 10% l’épargne privée pour solder les dettes nationales [10]« . La banque suisse UBS a de son côté révélé, en octobre 2020, que la fortune des milliardaires français atteint désormais 375 Md€ et a quintuplé en dix ans (+439 % par rapport à 2009). Aujourd’hui, Christine Lagarde, Présidente de la BCE, peut renouveler et justifier sa proposition de 2016 pour annuler la dette des États due à la pandémie de la Covid-19 en Europe.

« Si l’inflation ressurgit un jour, la BCE devra remonter ses taux et verser des intérêts sur ces réserves – la situation normale. La méthode habituelle serait d’utiliser le rendement de son portefeuille pour rémunérer les réserves. Cependant, si les obligations publiques à l’actif étaient « annulées », cette ressource disparaîtrait. Pour un temps, la BCE pourrait puiser dans ses fonds propres et cesser de verser une rémunération à ses actionnaires – les États. Toutefois, les fonds propres de la BCE se comptent en centaines de milliards d’euros « seulement » tandis que le total de son passif se chiffre en milliers de milliards » Agnès Bénassy-Quéré du Ministère de l’Economie des Finances et de la relance [11]. Si l’inflation grimpe, le rôle de la BCE est de contenir cette inflation dans l’ensemble de la zone euro à des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. Il lui faut les moyens pour agir. Dans de telles conditions, son taux directeur va augmenter. Les nouvelles OAT ne seront plus intéressantes pour les investisseurs et entraîneront donc une baisse de demande sur les anciennes obligations. Par la même occasion, les taux des crédits immobiliers vont subir une hausse (l’évolution du taux directeur de la BCE influence de façon directe l’évolution des taux de crédit immobilier) [12]. Lorsqu’on hausse les taux immobiliers, le but est de refroidir le marché. A long terme, l’effet sur l’économie sera négatif. De même avec une inflation importante, il y a une perte de pouvoir d’achat des ménages et adieu la croissance voulue par le Ministre de l’Economies et des Finances [13].

Si la monnaie perd sa valeur face aux autres devises. Pour les investisseurs, et particulièrement les investisseurs hors zone euro, l’acquisition de titres obligataires à rendement faible ou négatif émis par les États de la zone euros aujourd’hui leur permet d’espérer réaliser une plus-value à terme ou d’obtenir des rendements positifs s’ils anticipent une appréciation de l’euro contre leur monnaie nationale. La hausse de l’euro signifie que la conversion en monnaie nationale des intérêts perçus et/ou du nominal de l’obligation à l’échéance leur procurera un surcroît de rémunération du fait d’un taux de change plus favorable. Cet effet de change peut alors compenser le rendement négatif exprimé en euro. Mais si l’euro perd sa valeur face aux autres devises, il y a un grand risque de défaillance des investisseurs. Il y aura donc un rachat par la BCE des titres correspondants ce qui n’est pas le but recherché.

Pour conclure, annuler les dettes des États de la zone euro achetées par la BCE, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Il y a des approches beaucoup plus simples, plus rapides, plus efficaces (en dehors de l’imposition de 10% des 0,1% des citoyens les plus aisés difficile à mettre en œuvre sous la présidence française actuelle). La France n’a pas le temps ni les moyens de réformer les traités de fonctionnement de l’Union Européenne ni de développer des nouveaux mécanismes de création monétaire etc. Pour la France, il faut créer immédiatement des fonds citoyens à l’image de ce qui a été fait après la Seconde Guerre Mondiale (1948-1955). Il faut constituer des établissements de crédit 100% publics et non privés pour gérer les fonds sans alourdir le déficit public à l’instar de la SFEF Société de financement de l’économie française (SFEF) crée en 2008.


[1] https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2020/html/ecb.mp200604~a307d3429c.fr.html

[2] https://www.ecb.europa.eu/pub/annual/annual-accounts/html/ecb.annualaccounts2019~9eecd4e8df.fr.html#toc4

[3] https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/capital/html/index.fr.html

[4] https://www.liberation.fr/checknews/2019/05/13/la-bce-detient-elle-25-de-la-dette-francaise-comme-l-affirme-melenchon_1725255

[5] https://www.startpage.com/do/dsearch?query=d%C3%A9ficit+banque+centrale+argentine&cat=web&pl=ext-ff&language=francais&extVersion=1.3.0

[6] https://www.veblen-institute.org/La-monnaie-helicoptere-contre-la-depression-dans-le-sillage-de-la-crise.html

[7] https://theconversation.com/la-dangereuse-utopie-de-lannulation-des-dettes-publiques-par-la-bce-141716

[8] https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/theorie-quantitative-de-la-monnaie/

[9] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/08/apres-la-suppression-de-l-isf-les-revenus-des-tres-aises-et-la-distribution-de-dividendes-ont-explose-en-france_6055276_823448.html

[10] https://www.huffingtonpost.fr/2013/10/10/fmi-taxe-epargne-patrimoine-dette-italie-chypre_n_4075757.html

[11] https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/11/30/annuler-la-dette-detenue-par-la-bce-est-ce-legal-utile-souhaitable

[12] https://www.meilleurtaux.com/credit-immobilier/notre-analyse-des-taux/evolution-taux-directeur-bce.html

[13] https://www.vie-publique.fr/discours/276683-bruno-le-maire-12102020-budget-2021

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