
Gabriel Gaspard, chef d’entreprise à la retraite et docteur en informatique des organisations, revient dans une tribune sur le rôle financier que doit jouer l’État dans la transition écologique, selon lui.
François Ecalle, ancien magistrat à la Cour des comptes, dans un commentaire d’actualité publié le 29 juin analyse les résultats du budget vert de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2021 en ces termes : « En France, le budget vert de l’État retient six objectifs environnementaux et couvre l’ensemble des dépenses budgétaires et fiscales. Celles qui n’ont pas d’objectif environnemental ni d’effet avéré sur l’environnement en représentent 91 % … »Il conclut amèrement : « La principale question que pose ce budget vert est celle de son utilité. »
Le 30 juin, le verdict du Haut Conseil pour le climat était sans appel : « Les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs de 2030. Après une année de pandémie, le changement climatique reste au cœur des préoccupations des Français, dont plus de 80 % pensent que le territoire sera obligé de prendre des mesures importantes pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. »
D’après l’Institut économique pour le climat (I4CE) dans le budget de la France, 250 mesures influencent les émissions de gaz à effet de serre. Nombre de ces investissements publics représentent un préjudice pour le climat. Les annuler permettrait de libérer une capacité d’investissement importante à l’échelle de l’État. Avec un plan de financement public de 7 milliards d’euros par an associé à une trentaine de mesures, ce plan permet de déclencher annuellement 19 milliards d’euros d’investissements publics et privés favorables au climat. « Il est clair que la classe politique détourne son regard du climat et de la justice sociale. »
Le président avait promis d’inscrire le climat dans la Constitution. Le résultat ? Il y a eu un détricotage par le gouvernement des 149 propositions élaborées par la Convention citoyenne pour le climat. Plusieurs amendements controversés ont été votés au Sénat dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Le référendum sur le climat annoncé par le président n’aura pas lieu. Il est clair que la classe politique détourne son regard du climat et de la justice sociale. Emmanuel Macron est déjà en campagne présidentielle. Les Français sont-ils encore prêts à faire des concessions pour participer à une élection sans enjeux environnementaux ?
La finance verte, planche de salut ?
Avec l’abandon de l’État, la finance verte peut-elle sauver le budget de la France et sortir de cette impasse ? Il s’agit du financement et de l’investissement dans des projets et des infrastructures écologiquement durables. Avec des produits divers et variés, les acteurs de la finance française poussent cette tendance auprès des citoyens. On trouve par exemple l’investissement socialement responsable (ISR), les fonds « climat » et « Greenfin », les fonds à vocation sociale, les fonds solidaires et participatifs, etc.
Aujourd’hui, l’ISR, censé être socialement responsable, ne l’est pas réellement. Il n’exclut pas des entreprises ayant des activités dans le charbon, le pétrole ou le nucléaire. Il intègre pourtant de façon systématique et traçable des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à la gestion financière. Les critères ESG restent néanmoins une matière molle, souligne Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic, filiale de la Caisse des dépôts dédiée à l’économie responsable. « Il ne resterait que quelques mois pour effectuer une transition écologique durable »
Les fonds « climat », eux, sont disparates et difficiles à comprendre, d’après la revue Le Particulier. Le « Greenfin » est un label créé et soutenu par le ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Une entreprise ayant jusqu’à 5 % de son activité dans le fossile ou le nucléaire peut se retrouver dans un fonds « Greenfin ». À quelques mois de la COP 26, les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son rapport pour 2022 sont pourtant alarmantes. Il ne resterait que quelques mois pour effectuer une transition écologique durable. Comment préparer l’avenir alors que l’ensemble des moyens financiers de l’État sont affectés ?
Le risque d’un effet gilets jaunes
Un budget rectificatif citoyen ? Pour obtenir un budget puissant et répondre à ses engagements climatiques, la France a besoin de beaucoup d’argent rapidement. L’essentiel des ressources vient des impôts, du recours à l’endettement via les marchés internationaux ou l’épargne des ménages. Le plus simple pour l’État est de s’orienter vers une hausse des impôts qui se traduit quasi instantanément par un accroissement des recettes fiscales. Si l’État n’augmente pas ses dépenses, le supplément de recettes peut venir alimenter un accroissement du budget. Toutefois, il est très difficile avant une période d’élection présidentielle d’augmenter les impôts sans effets gilets jaunes quand les dépenses contraintes des ménages sont aujourd’hui à plus de 61 % de leur revenu disponible.
L’autre solution consiste en l’endettement extérieur mais la France est déjà très fortement endettée. La dette publique représente 115,7 % du PIB, détenue à 50 % par des étrangers et à 20 % par la Banque centrale européenne : soit 1 855 milliards des 2 650 milliards d’euros de dette totale de la France détenue par des non-résidents. Selon le programme de stabilité, la dette va grimper à plus de 118 % du PIB avant de décroître à partir de 2027. C’est pourquoi la France doit revoir le régime des retraites sinon elle n’arrivera pas à maîtriser ses dépenses.
Et l’épargne ?
Reste l’épargne des Français, un trésor inexploité et mal utilisé, qui avoisine aujourd’hui les 6 000 milliards d’euros. La hausse de l’épargne des ménages sur un an est bien supérieure aujourd’hui aux taux de la croissance et de l’inflation. Des 37 % de cette épargne, 81 % sont des dépôts bancaires non rémunérés qui dorment.
Il faut moins de neuf mois pour drainer 6 % à 10 % de l’épargne des ménages disponible dans un livret d’épargne écologique et social, réglementé et rémunéré au taux de l’inflation. D’après l’OFCE, dans son étude Investissement public, Capital public et croissance, coordonnée par Xavier Ragot et Francesco Saraceno, « en période de crise et, en particulier lorsque la politique monétaire atteint la borne zéro des taux d’intérêt, alors le multiplicateur (la hausse du PIB par euro public dépensé est appelée multiplicateur budgétaire) augmente et atteint des valeurs plus élevées comprises entre 1,3 et 2,5… »
Dans une économie caractérisée par une pression fiscale proche de 50 % comme la France, la croissance du PIB serait supérieure de 2 points par an. Si les Français décidaient d’investir 100 milliards d’euros pour l’écosocial en 2021, la croissance du PIB en 2022 gagnerait 200 milliards d’euros de plus par rapport aux prévisions.