
Par Gabriel GASPARD
25 févr. 2022
L’Europe labellise le nucléaire et le gaz comme investissement vert. Les dirigeants mondiaux sont d’accord pour poursuivre les subventions aux énergies fossiles. La volonté des financiers de verdir l’économie est elle suffisante pour inciter les entreprises à agir de manière responsable et durable ?
La finance durable est un levier indispensable pour relever les défis écologiques, sociaux et économiques du monde. Une composante de la finance durable est la finance verte, encore dénommée finance « responsable ». Elle est le financement et l’investissement dans des projets et des infrastructures écologiquement durables. Les financements verts sont pourtant faibles en rapport à la taille des défis environnementaux mondiaux. Les solutions au changement climatique pourraient nécessiter 90 000 milliards de dollars d’investissements d’ici 2030 selon des données d’octobre 2019 provenant de la banque mondiale avant la pandémie. Mais l’encours des obligations alignées sur le climat ne totalisait que 780 milliards d’euros en novembre 2021
La finance verte a‑t‑elle un réel impact positif sur l’environnement ? En incitant les investisseurs à choisir des placements plus responsables, la finance verte, bien gérée et contrôlée, peut contribuer à la réduction des impacts environnementaux de l’épargne et de l’investissement. En plaçant son argent dans un Livret réglementé ou un compte bancaire, l’investisseur n’a aucune certitude que cet argent n’ira pas dans des activités néfastes pour l’environnement. Pourtant, cette épargne peut contribuer à la finance responsable. C’est au citoyen de décider de ne pas investir dans des projets dont les dommages collatéraux à long terme sont supérieurs aux bénéfices à court terme.
Les acteurs de la finance verte sont‑ils seuls responsables de leur décision ? Les obligations vertes sont un excellent moyen de suivre la finance verte à l’échelle française. En effet, elles fournissent une représentation du montant qu’un pays est prêt à emprunter pour investir dans des projets verts. En 2017, la France a émis sa première obligation souveraine de 7 milliards d’euros. Au premier semestre 2020, elle a dépassé de très loin ses voisins européens dans l’émission de « dette durable » selon un rapport de l’Association des marchés financiers en Europe (AFME). En 2021, La France a apporté uniquement 15 milliards d’euros de dépenses éligibles au programme d’émissions d’obligations vertes de l’État. Pourtant « Les obligations vertes sont un levier important pour le financement de la transition écologique…chaque composante obligataire du fonds fait l’objet d’une vérification par un tiers indépendant permettant de s’assurer que ces composantes sont alignées sur les ‘Green Bonds Principles’ de l’International Capital Market Association (ICMA) » lit‑on sur le site du ministère de la transition écologique. L’ICMA est une association qui donne des orientations de gouvernance et des préconisations au secteur financier. Les principes des obligations vertes publiés par l’ICMA fournissent une liste non-exhaustive de ce que peut être un financement vert. Ils précisent que le respect de ces préceptes dépend toujours et uniquement du bon vouloir des acteurs.
La volonté des financiers est‑elle suffisante pour inciter les entreprises à agir de manière responsable et durable ? Encore aujourd’hui la finance oriente l’épargne vers les projets les plus rentables. Elle ne considère nullement les aspects sociaux ou environnementaux. La volonté des financiers n’est pas suffisante pour pousser les entreprises à agir de manière responsable et durable. Aucune action n’est entreprise pour changer les systèmes productifs et verdir l’économie. En 2021, les grandes banques françaises ont réalisé des profits records. Les cinq plus grandes banques ont dégagé plus de 31 milliards d’euros de bénéfices grâce en grande partie à un financement de 248 milliards d’euros dans les énergies fossiles.
Les engagements nets zéro des entreprises financières sauveront‑ils le Monde ? En principe, ils ont un rôle très important à jouer pour les entreprises financières. Passer de l’économie des combustibles fossiles à des sources d’énergie propres nécessite une vaste réaffectation du capital. Les investissements dans les énergies renouvelables doivent tripler d’ici 2030 pour atteindre 300 milliards, si le monde espère combattre efficacement le changement climatique, a déclaré l’Agence internationale de l’énergie (AIE). À l’occasion de la COP26, près de 500 entreprises mondiales de services financiers ont convenu d’aligner 130 000 milliards de dollars pour le zéro émission nette afin de soutenir massivement les entreprises qui contribuent à décarboner l’économie. Pour réduire leurs empreintes de CO2, les entreprises devront opérer une compensation des émissions de gaz à effet de serre, c.à.d. elles devront acheter, sur le marché de la compensation carbone, des quotas d’émissions de gaz à effet de serre auprès d’organismes qui, eux, ne les consomment pas. Dans le rapport de l’ONU publié le 10 juin 2019 intitulé « les compensations carbone ne nous sauveront pas« , on peut lire « lorsqu’il n’y a pas d’alternative viable à court terme, un système de compensation promet d’annuler les émissions à un endroit et de prendre des mesures de réduction des émissions dans un autre ».
La crise sanitaire a‑t‑elle brisé les élans des entreprises et des investisseurs ? À croire l’enquête annuelle de « Global Investor Study » réalisée par Schroders, 51% des Français révèlent que les questions environnementales sont dorénavant plus importantes qu’avant la pandémie, et 53% seraient favorables à l’idée d’investir dans des fonds durables à condition que ces fonds dégagent des rendements effectifs plus élevés que les placements traditionnels, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pour les particuliers, le rendement du livret A de 1% est supérieur aux livrets économie verte ou développement durable.
En France la finance verte propose l’investissement (ISR) censé être socialement responsable cependant il n’exclut pas des entreprises ayant des activités dans le charbon ou le pétrole. Dans les principaux fonds pour la transition écologique il y a les fonds « climat » et les « GREENFIN ». Les fonds « climat » sont des fonds disparates et difficiles à comprendre d’après la revue « le Particulier ». Le GREENFIN est un label créé et soutenu par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. Il faut noter qu’une entreprise ayant jusqu’à 5% de son activité dans le fossile ou le nucléaire peut se retrouver dans un fonds « GREENFIN ». Avec le nucléaire et le gaz labellisés investissements verts, la finance verte pourra peut‑être coûter très cher à la planète comme l’expliquent Alain Grandjean et Juline Lefournier. L’industrie de l’investissement reviendra‑elle à son objectif premier, transformer l’argent en plus d’argent sans tenir compte de la planète ?