(Crédits : KAI PFAFFENBACH)

Par Gabriel Gaspard

Publié le 15 avril juin 2023, 12:30

CHRONIQUE. Depuis 25 ans et la création de la Banque centrale européenne BCE le 1er juin 1998, le ralentissement de la croissance économique mondiale amorcé au second semestre 2000 et l’introduction de l’euro comme monnaie unique au 1er janvier 2002, les épargnants sont-ils les victimes des taux directeurs ? Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.

L’épargne des Français est la partie du revenu qui n’est pas consommée immédiatement. Cette épargne représente aujourd’hui environ 6.000 milliards d’euros (hors immobilier) soit le double de la dette de la France et 88 388 euros par personne. Au lieu d’utiliser cette épargne pour investir et créer de la croissance, elle est sacrifiée pour alléger l’endettement public ou pour améliorer la marge nette d’intérêts des banques.

Emmanuel Todd le 23 janvier 2020, dans son livre « Les Luttes de classes en France au XXIe siècle » aux éditions du Seuil , arrive à la conclusion de la perte du pouvoir d’achat par les Français avec l’introduction de l’euro. Une autre étude, réalisée par le centre de politique européenne de Fribourg (Allemagne), vingt ans après la mise en place de la monnaie unique, donne un chiffre : chaque Français aurait perdu environ 56 000 euros sur la période 1999-2017. Mais le plus coûteux pour les épargnants est les taux directeurs de la BCE.

La réponse apportée par les Banques centrales à la récession économique de 2000-2001 explique la crise financière de 2008. La BCE a suivi la Réserve fédérale américaine et a baissé de manière marquée et rapide ses taux d’intérêt directeurs pour relancer l’économie. De mai 2001 à juin 2003, les taux directeurs sont passés de 4,5% à 2%. Les taux sont restés bas trop longtemps jusqu’en 2005 et leur remontée a ensuite été trop lente jusqu’en 2008 avec des paliers faibles de 0,25%.

En 2008, l’épargnant a souffert !

Cette année, le système financier international est frappé de plein fouet par une crise systémique mondiale. Pour sauver les économies des pays de la zone euro et créer le choc nécessaire, la Banque centrale européenne abaisse les taux directeurs jusqu’à zéro. Elle injecte beaucoup de liquidités et rachetée de la dette publique et privée par l’assouplissement quantitatif (QE). A-t-elle respecté son mandat ? La Bourse bat des records, les riches sont plus riches et les épargnants souffrent. Le 9 juillet 2008 le taux historique de la BCE est à 4,25%. Il passe à zéro le 10 mars 2016 et le restera bien après la pandémie de 2020. La BCE tarde à réagir. Les taux repartent à la hausse uniquement le 21 juillet 2022. En fournissant un financement à des taux d’intérêt négatifs en termes réels (après inflation), la BCE a encouragé l’augmentation de la liquidité qui a contribué à la hausse importante des actifs boursiers et immobiliers. Les taux négatifs ont fini par affaiblir les banques. Tout aussi dangereuse, cette politique a encore pénalisé les épargnants.

Les épargnants ont payé la crise financière de 2008 en 10 ans

La BCE a injecté 4 000 milliards d’euros de 2011 à 2017. En 10 ans, la crise financière a coûté approximativement 1 541 milliards d’euros à la France en termes de produit intérieur brut (PIB) selon les calculs d’Éric Dor, directeur des études économiques à IESEG School of Management. Pendant cette période, ce sont les épargnants, avec la faiblesse des taux de rendement, qui ont payé. Le taux de rendement du livret A est passé de 3,5% à 0,75%. Le rendement des assurances vie en euros est passé de 4% à 1,80%. Le rendement des emprunts de l’État est passé de 4,3% à 0,85%. Maintenir des taux d’intérêt plus bas que la croissance pendant longtemps est une méthode efficace dans une période de faible inflation pour effacer la dette excessive de l’État et faire payer les excès aux épargnants. L’année 2017 est un exemple parfait : la croissance du PIB était à 2,3%, une inflation à 1% mais un rendement du livret A à 0,75%.

De 2018 à 2022, les épargnants, véritables victimes des taux bas

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