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Par Gabriel Gaspard

Publié le 26 novembre 2020 à 08:20

Avec la crise de la Covid-19, nous nous éloignons lentement mais sûrement des combustibles fossiles et des placements non durables. La finance verte est en croissance rapide. Cependant dans cette finance, on « voit des vertes et des pas mûres … »

La finance verte est le financement et l’investissement dans des projets et des infrastructures écologiquement durables. Les pays ont montré un réel intérêt pour cette finance depuis l’Accord de Paris sur le changement climatique en 2015.

Les obligations vertes sont un excellent moyen de suivre le succès de la finance verte à l’échelle mondiale. En effet, elles fournissent une représentation du montant qu’un pays est prêt à emprunter pour investir dans des projets verts. Les centrales électriques fonctionnant sur les énergies renouvelables et les réseaux de transport public alimentés par l’énergie verte par opposition aux combustibles fossiles en sont des exemples.

Les progrès réalisés dans ce domaine ont été significatifs. En 2019, l’émission mondiale d’obligations vertes et l’émission de prêts verts se sont élevées à 229,8 Md€. Ces montants sont nettement supérieurs au chiffre de 151,6 Md€ en 2018.

Le marché des obligations vertes est en croissance rapide. [1] En 2014, ces obligations représentaient uniquement 4,5 Md$. En 2015, elles s’élèvent à 42 Md$ soit 10 fois plus. En 2016, elles sont de 81 Md$ soit deux fois plus. Début 2017, les « green bonds » ou obligations vertes ne représentaient qu’à peine 1 % des émissions d’obligations. En septembre 2020, avec l’entrée des gros émetteurs que sont les États, les émissions de « dette verte » ont atteint un niveau sans précédent avec plus de 50 Md$ dans le monde.[2] Entre janvier et septembre 2020, elles ont progressé de 25% par rapport à la même période de 2019, pour atteindre 462 Md$ d’actifs .[3]

L’Europe à elle seule représente 45% de l’émission mondiale, la zone Asie-Pacifique 25% et la zone Amérique du Nord 23%.

Les États-Unis

Les États-Unis sont toujours en avance du classement pour l’émission d’obligations vertes alignées sur la CBI (Climate Bond Initiative, initiatives sur les obligations climatiques), d’une valeur de 51,3 Md$ en 2019 [4]. Cependant, environ 50% de ces obligations vertes étaient des titres adossés à des actifs ABS (Asset Backed Security, titres adossés à des actifs) ce de quoi la finance verte ferait bien de se tenir à l’écart. Il ne faut surtout pas oublier la crise financière de 2008 qui a coûté approximativement 1.541 milliards d’euros à la France en termes de produit intérieur brut (PIB).[5]

Chine

En 2019, la Chine a de nouveau été l’un des plus grands émetteurs d’obligations vertes, augmentant son montant émis de 33% par rapport à 2018. Il est également important de noter que l’émission d’obligations chinoises à l’étranger a continué de croître rapidement depuis que la première obligation verte chinoise offshore a été apportée à la Bourse de Hong Kong en 2015. Le deuxième émetteur d’obligations vertes de plus en plus ouvert à l’investissement international est un bon pas vers un avenir plus vert.

Un inconvénient pour les obligations vertes chinoises est cependant qu’elles ne sont pas toutes en ligne avec les définitions vertes CBI [6]. Une partie de l’argent recueilli est utilisé à construire des centrales à charbon propres…. Pour l’ensemble de ces obligations, 90 % sont non labélisées laissant ainsi à l’État et aux provinces une marge de manœuvre significative pour la transparence du marché national.[7]

Europe

La toute première obligation labellisée verte a été émise par la Banque européenne d’investissement en 2007. L’Europe en tant que conglomérat représente une grande partie du marché obligataire vert. Cependant, il existe une grande disparité entre les 27 pays.

Sur les 1 800 Md€ visant à relancer l’économie européenne affaiblie par retombées socio-économiques de la Covid-19, les dirigeants européens ont introduit l’objectif d’allouer au climat 30 % du montant total des dépenses de l’UE. Cela signifie que, sous différentes formes et à différents moments, entre 2021 et 2027, environ 547 milliards d’euros de fonds européens seront mis à disposition pour la transition écologique sur tout le continent. Toutefois, l’Europe est également devenue l’un des plus grands émetteurs de dette au monde et dépendra fortement des fonds des contribuables Européens à l’avenir.

France

En 2017, la France a émis sa première obligation souveraine de 7 Md€. Au premier semestre 2020, elle a dépassé de très loin ses voisins européens dans l’émission de dette durable selon un rapport de l’Association des marchés financiers en Europe (AFME) [8].

« Les obligations vertes sont un levier important pour le financement de la transition écologique. Elles permettent aux entreprises et aux entités publiques de financer leurs projets environnementaux, plus particulièrement les investissements en infrastructures« , lit-on sur le site du ministère de la transition écologique .[9] « Pour les fonds obligataires verts ou les fonds mixtes comprenant des obligations vertes, vérifier que chaque composante obligataire du fonds fait l’objet d’une vérification par un tiers indépendant permettant de s’assurer que ces composantes sont alignées sur les ‘Green Bonds Principles’ de l’International Capital Market Association (ICMA) et les critères d’éligibilité CBI lorsqu’ils existent » [10]. ICMA est une association qui donne des orientations de gouvernance et des préconisations au secteur financier. Dans la version 2018, les GBP (Green Bonds Principles, les principes des obligations vertes) publiés par l’ICMA fournissent une liste non-exhaustive de ce que peut être un financement vert. Ils incitent aussi à la transparence des emprunteurs quant à l’utilisation des fonds ou à la publication de rapports sur l’impact écologique… Cependant, les GBP précisent à la fin de leur document que le respect de ces préceptes dépend toujours du bon vouloir des acteurs : « Les émetteurs, publics ou privés, adoptent et mettent en œuvre les principes volontairement et en toute indépendance, sans pouvoir s’en prévaloir ni s’en servir comme garantie, et sont seuls responsables de leur décision d’émettre des obligations vertes« .[11]

Dans ce contexte, les acteurs de la finance française aussi « se mettent au vert… » avec des produits divers et variés afin de promouvoir cette tendance auprès des citoyens. L’ISR (l’Investissement Socialement Responsable), les fonds « climat et « GEENFIN », les fonds à vocation sociale, les fonds solidaires et participatives, les livrets coopératifs sont traités comme exemple dans la suite de l’article.

Aujourd’hui, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) censé être socialement responsable ne l’est pas réellement. En effet, il n’exclut pas des entreprises ayant des activités dans le charbon, le pétrole ou le nucléaire. Il intègre pourtant de façon systématique et traçable des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à la gestion financière [12]. Toutefois, les critères ESG restent néanmoins « une matière molle », souligne Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic. « Il y a beaucoup de déclaratifs et une large gamme de ce qu’il est possible de faire dans l’ESG. « .

Durant la crise de la Covid-19, la finance sociale et responsable a montré qu’elle était plus résistante, performante, transparente et utile que les placements traditionnels. D’après l’étude de la revue Le Particulier numéro 1170 de Juin 2020, en plus d’être concrète elle a au total 10 atouts avec l’attractivité, l’accessibilité, le label , l’expertise, et la diversité. « Le fait que les gérants procèdent à des analyses plus poussées des entreprises, et que celles-ci soient engagées dans des processus durables, explique cette meilleure résistance« , explique Olivier Johanet, président de La Financière Responsable.[13].

Les Français sont « verts de rage… » , ils souhaitent choisir eux-mêmes des investissements réellement « verts », sécurisés, défiscalisés, simples, avec un rendement égal ou supérieur à l’inflation mais aucun fonds ne répond réellement à leur demande.

Dans les principaux fonds pour la transition écologique il y a les fonds « climat » et les « GREEFIN ». Les fonds « climat » sont desfonds disparates et difficiles à comprendre d’après la revue « leParticulier ». Le GREENFIN estun label créé et soutenu par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. Il faut noter qu’une entreprise ayant jusqu’à 5% de son activité dans le fossile ou le nucléaire peut se retrouver dans un fonds « GREENFIN ». Il cumule uniquement 7 Md€ d’encours[14]. Des 5 fonds des plus importants deux sont français : Ecofi Agir pour le climat avec un rendement sur 3 ans de +6,78% et Mirova Europe Environnement avec une performance sur 3 ans de + 12,06% [15]

Pour les fonds à vocation sociale, les performances des 3 sociétés de gestion françaises sur un an sont toutes négatives. Très récents, malgré un fort développement, ils sont confrontés à beaucoup de types de risque et à de nouvelles concurrences.[16]

Concernant les fonds solidaires, nombreux fonds laissent espérer une rémunération comparable à celle d’un livret A (0,50%), alors que l’inflation prévue pour 2020 est de plus de 1% sur les 6 premiers mois de l’année [17]. Le rendement prévu pour l’assurance vie euros en 2020 sera supérieure à 1%. La Caisse Solidaire avec des dépôts à terme permet de financer des activités à forte utilité sociale et environnementale. Son rendement est malheureusement de +0,15% à + 0,50% selon la durée du dépôt. Seule La Nef avec des achats de parts sociales peut donner un rendement à hauteur de l’inflation (Type A) ou légèrement supérieur (Type B).

Les principaux collecteurs d’épargne pour la finance solidaire, les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) « 90/10 », consacrent de 5% à 10% uniquement de leurs actifs au financement de projets solidaires. Ils favorisent l’emploi ou le logement de personnes en difficulté ou des activités écologiques et d’aide au développement. Les 90 à 95% restants sont placés sur les marchés financiers conventionnels.

 » L’encours des FCPE solidaires est passé de 2,8 milliards d’euros en 2010 à 7,9 milliards en 2018, quand l’encours d’épargne salariale passait de 88,6 milliards d’euros à 125,5 milliards sur la même période », note Christian Borsoni, responsable de BNP Paribas Epargne et Retraite Entreprises.

Par ailleurs, la finance participative sur les énergies vertes permet, sur des investissements en obligations, d’atteindre 4 à 5% par an en moyenne. Cette ressource est très modeste : 10% de la somme totale de 629 Millions d’euros récoltés en 2019 soit 63 millions d’euros. [18]

Le total des encours « verts » est très faible par rapport aux fonds traditionnels et reste très loin des 128 Md€ d’encours des fonds ISR [19].Pour un particulier, tous les fonds ou les livrets solidaires, coopératifs, agir pour l’environnement etc. ont de très faibles rendements de 0,15% à 0,75% en fonction du plafond de versement. Les intérêts peuvent être soumis lors de leur versement à un Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30 % (dont 17,2% de prélèvements sociaux). Contrairement aux livrets réglementés, les intérêts peuvent aussi être sujet au barème progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Dans certains cas, une fraction des intérêts peut être faite en don à une association et ouvre droit à une réduction d’impôt.

L’État doit « avoir la main verte… »et définir une vraie stratégie pour la finance verte à la sortie de la crise de la Covid-19.


[1] https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/finance-durable/obligations-vertes/

[2] https://www.ideal-investisseur.fr/durable/emissions-dette-verte-explosent-8179.html

[3] https://investors-corner.bnpparibas-am.com/fr/investissement/obligations-vertes-progresse-encore/

[4] https://www.boursenews.ma/article/decryptage/les-emissions-mondiales-de-green-bonds-ont-atteint-257-7-milliards-de-dollars-en-2019

[5] https://www.capital.fr/economie-politique/la-crise-de-2008-a-10-ans-voila-ce-quelle-a-coute-a-la-france-1314379

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Obligation_climat

[7] http://www.insti7.fr/wp-content/uploads/2018/05/Chine-Green_Bonds-180401-Analyse_Financiere.pdf

[8] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-france-championne-d-europe-des-obligations-durables-au-premier-semestre-20201028

[9] https://www.ecologie.gouv.fr/obligations-vertes

[10] https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Label_TEEC_labellisation_r%C3%A9f%C3%A9rentiel_0.pdf

[11] https://www.marianne.net/economie/finance-verte-bientot-la-fin-des-entourloupes-de-greenwashing

[12] https://www.novethic.fr/lexique/detail/isr.html

[13] https://www.lefigaro.fr/argent/comment-epargner-utile-et-responsable-20200522

[14] https://www.ecologie.gouv.fr/label-greenfin

[15] https://www.moneyvox.fr/assurance-vie/meilleur-taux.php

[16] https://www.mediafinances.net/finance/investissement-a-impact-social/

[17] https://www.meilleurtaux.com/credit-consommation/actualites/2020-janvier/l-insee-publie-ses-previsions-pour-le-pouvoir-d-achat-en-2020.html

[18] https://financeparticipative.org/publication-barometre-du-crowdfunding-2019-fpf-mazars/

[19] https://www.businessinsider.fr/voici-comment-sy-retrouver-dans-la-jungle-de-la-finance-verte-pour-placer-votre-argent-de-facon-plus-responsable-180075#les-fonds-esg-integrant-des-criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance

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