Dans les 12 plus grandes pandémies qui ont marqué l’histoire, les plus importantes sont celles de la peste d’Athènes (-430 à -426 av J.C.), la peste antonine (165-166), la peste justinienne (début 541), la peste noire (1347-1352), la peste de Londres (1664-1665), le choléra (1852-1860), la grippe espagnole (1918-1919), le choléra (1926-1932), la grippe asiatique (1956-1957), la variole en Inde (milieu 1970), le sida (1981 à aujourd’hui) et la covid-19 (2020 à aujourd’hui). Soit 6 grandes pandémies en 2 400 ans et 6 grandes pandémies en seulement ces derniers 120 ans. Faut-il faire une relation avec le début de l’économie libérale qui a vu le jour vers 1890, arrivée à son apogée en 1920 et mutée en déferlante néolibérale à partir de 1980 ?
Depuis plus d’un an, l’ampleur de la crise sanitaire de la Covid-19 met en lumière l’importance de la santé publique et la dimension de la crise écologique. Le plus visible c’est la mortalité, l’appauvrissement des classes moyennes et pauvres et les changements climatiques. En réalité, de multiples changements écologiques d’envergure planétaire, qui sont d’origine humaine, menacent la santé et le bien-être des êtres vivants.
En premier lieu, on note les modifications des caractéristiques géologiques dues aux dépôts en couches sédimentaires de matériaux et de produits chimiques fabriqués par l’homme. Ensuite, en surpassant les forces géophysiques, l’homme a déclenché les changements climatiques, l’acidification des océans, l’épuisement généralisé des ressources, une pollution et une écotoxicité d’une grande importance et une extinction des espèces.
Tous ces bouleversements entraînent d’importantes conséquences sur la santé humaine. Nous avons besoin d’air pur, d’eau saine, de nourriture propre, de matériaux et de combustibles renouvelables ainsi que d’un climat stable.
La santé publique a déjà mis fortement l’accent sur les causes sociales de la santé. Mais il faut remonter en amont pour comprendre et combattre les menaces que nous créons. En outre, il est clair que les crises écologiques et sociales ne sont pas indépendantes les unes des autres : elles sont liées et elles interagissent. C’est pourquoi il faut adopter une perspective écosociale de la santé.
Au cours des dernières décennies l’économie, au lieu d’être au service du bien-être humain, est devenue un outil au service de l’ultra-libéralisme et à l’accélération matérialiste. On a oublié que l’économie néolibérale est un artefact humain que nous avons créé pour nous assister. Nous devons aujourd’hui changer cette économie car elle ne remplit plus ses fonctions. Sa fonction essentielle est de satisfaire les besoins de tous les humains, tout être vivant, et d’améliorer leur bien-être dans la limite de ce que peut nous donner la planète. Nous devons nous concentrer sur la croissance du capital humain, social et naturel et non plus seulement sur la croissance de la richesse matérielle et financière.
Par exemple, le déclin des pollinisateurs animaux pourrait exacerber les carences en micronutriments et les maladies non transmissibles. De même, la déforestation et la dégradation des forêts sous les tropiques pourraient accroître les maladies infectieuses telles que les diarrhées, le paludisme et la pneumonie. Avec les changements climatiques, il y a un risque accru de blessures, de maladies et de décès causés par les vagues de chaleur et les incendies plus intenses. Il y a un risque accru de maladies d’origine alimentaire et hydrique.
La pandémie de la Covid-19 a mis sur le devant de la scène le problème de la déforestation et de l’agriculture industrielle.
C’est vers une transition écosociale qu’il faut aller. Une transition systémique qui inclut une évolution écologique, donc énergétique, mais également sociale. Une transition qui vient de la base, donc du citoyen, et non du haut. Cette transition doit nous sortir de notre dépendance aux hydrocarbures et doit prémunir les populations vulnérables face aux adaptations climatiques et économiques majeures qui s’annoncent.
Cette perspective est tout à fait cohérente avec l’objectif de la santé publique que nous devons poursuivre au 21e siècle : des communautés et des sociétés plus saines, plus durables et plus justes.
Les points clés de l’économie écosociale :
- la richesse économique mondiale dépend de la bonne santé de notre planète ;
- l’argent ne manque pas mais il est mal réparti ;
- ce n’est pas le travail qui fait défaut, personne n’est inemployable ;
- en plus de la richesse matérielle et financière, il y a trois autres formes de richesse à développer et à augmenter : le capital écologique et naturel, le capital social et le capital humain ;
- il faut évaluer et comptabiliser les coûts environnementaux, sociaux et humains ;
- devant l’incertitude, le principe de précaution s’impose ;
- la solution à la pauvreté ne réside pas uniquement dans la croissance économique traditionnelle ;
- la question à poser pour chaque action publique : quelle sorte d’économie peut nous permettre d’atteindre l’objectif d’une bonne santé et d’une bonne qualité de vie pour chaque individu en respectant les limites de l’écologie ?
L’économie écosociale au service de la santé publique. Une liste de sujets d’étude à développer, non exhaustive, destinée à tous les échelons de la hiérarchie du secteur de la santé, peut être établie :
- donner aux professionnels la capacité de comprendre à la fois les particularités sociales et les particularités écologiques de la santé ;
- informer les professionnels de santé publique des spécificités écologiques de la santé ;
- financer la recherche sur les déterminants écologiques de la santé ;
- pratiquer des soins de santé écoresponsables dans la mesure du possible ;
- concevoir une vision pour un avenir plus sain, plus juste et plus durable ;
- renforcer les passages à un développement humain et social ;
- renforcer les politiques d’achats et d’investissements éthiques ;
- protéger les citoyens du danger et des inégalités en santé ;
- protéger les citoyens des répercussions nuisibles des changements écologiques ;
- pousser les décideurs à établir des politiques et des pratiques qui créent des sociétés et des collectivités écologiquement durables et en santé.