
Aujourd’hui, 12 ans après la faillite de Lehman Brothers, nous pouvons faire un retour en arrière sur le mauvais film économique et budgétaire de la France et de l’Europe entre 2008 et 2020. Nous pourrions ainsi envisager les conséquences pour la France pour sortir de la crise de la Covid-19 jusqu’en 2050, date d’échéance des obligations assimilables du trésor de la France et de l’Europe émises à 30 ans. [1] S’endetter directement ou via l’Europe n’est pas la seule alternative de l’État pour créer une vraie relance durable.
L’origine des crises. L’origine de la crise de 2008 est financière. Elle a été provoquée par l’imprudence des grandes banques américaines. L’épidémie de la Covid-19 est partie de Chine et la crise survient après la mise en panne progressive de l’activité économique. L’ampleur de la crise mondiale de 2020 peut être très grave si les gouvernements ne sortent pas des sentiers battus et utilisent encore les mêmes remèdes qu’en 2008. Et pourtant, le gouvernement actuel, en grande partie, suit la même méthode qu’en 2008.
Le plan de relance de décembre 2008. Nicolas Sarkozy présentait un plan de relance de 26 Md€ basé sur l’investissement en faisant l’impasse sur la consommation. 11 Md€ étaient destinés à « améliorer la trésorerie des entreprises » et 15 Md€ de dépenses supplémentaires, dont 10 Md€ pour l’investissement public, pour 2009. Il laissait entendre que ce plan serait « très puissant » car il éviterait la récession promise à la France par le FMI et l’OCDE.[2]
Le plan de relance de 2020. La récession est déjà là. Le premier ministre annonce un plan de relance d’un montant de 100 Md€ sur deux ans dont 40 Md€ seront des aides Européennes. Il est axé sur l’offre et l’investissement et non sur la demande, « c’est quatre fois plus que le plan de relance de 2008, le plus important des pays européens » annonce Jean Castex.[3]Ce sont 35 Md€ destinés à la compétitivité des entreprises : améliorer leur trésorerie par la baisse des impôts de production pour 20 Mds€, plan d’investissement d’avenir pour 11 Md€. 35 Md€ pour la cohésion sociale et territoriale avec principalement 15,3 Md€ pour emploi et formation, et grâce à l’Europe le plan de relance est de 30 Md€ pour la transition écologique : aide à la rénovation des bâtiments 6,7 Md€, transport 11 Mds€, énergie et soutien aux technologies vertes 9 Md€.[4]
Le coût réel de la crise de 2008 . En 2008 face à la crise financière, les banques centrales européennes ont abaissé leurs taux, ont injecté des liquidités et ont acheté de la dette publique et privée. La BCE a injecté 4 000 Md€ de 2011 à 2017. [5]. En 10 ans, la crise financière a coûté approximativement 1 541 Md€ à la France en termes de produit intérieur brut (PIB) selon les calculs d’Eric Dor, directeur des études économiques à IESEG School of Management.[6]. La dette de la France a augmenté de 1 000 Md€ sur 10 ans : au 1er trimestre 2007 la dette était de 1 223 Md€ et au 2ème trimestre 2 017 de 2 223 Md€. Pour la même période, le total de remboursement d’intérêts des dettes, à lui seul, s’est élevé à 500 Md€. [7]
La réponse de l’Europe et de la France à la crise de la Covid-19. Le 10 mars 2020, face à la crise mondiale de la covid-19, la commission européenne assouplie les règles de déficit, le fameux plafond de 3%, pour faciliter l’aide aux entreprises en difficulté des États membres. Le Président de la république française met alors en place une enveloppe de 300 Md€ pour garantir les prêts sollicités par les entreprises à leurs banques.[8] Pendant le confinement, l’enveloppe budgétaire réellement mise sur la table pour soutenir l’économie française s’élève à 57 Md€. Ce montant correspond à la différence entre la loi rectificative 3 de 457,4 Md€ et la loi de finance initiale de 400,4 Md€. Dans la même période, le parlement allemand vote un plan de soutien de 1 100 Md€ pour des aides budgétaires au secteur de la santé, pour l’assouplissement du régime du chômage et pour des garanties offertes aux entreprises en difficulté etc.[9]. L’Union Européenne a annoncé de son côté un plan de 37 Md€ [10]pour soutenir les économies des États membres. Le 09 Avril 2020, une autre réponse de l’union Européenne prévoit 240 Md€ de prêts du fonds de secours de la zone euro, un fonds de garantie de 200 Md€ pour prêts aux entreprises et jusqu’à 100 Md€ pour soutenir le chômage partiel [11]. Enfin le 21 juillet 2020, la France et l’Allemagne arrachent un accord historique : les 27 pays de l’union européenne sont parvenus à une entente sur le budget de relance soit 390 Md€ de subventions directes aux États après un emprunt commun et 390 Md€ de prêts aux états à rembourser par chacun.[12]
Pour la crise du covid-19 en 2020, la BCE met en place un plan d’« urgence » de 750 à 1 000 Md€ destinés à des rachats de dettes publiques et privées. La France émet des garanties qui rentrent en hors bilan et n’affectent pas sa dette. Le ministre de l’Économie annonce une aide de 45 Md€ pour les entreprises et les salariés. Le ministre de l’Action et des comptes publics promet 2 Md€ consacrés à la lutte sanitaire.[13] Le plan d’urgence de soutien à l’économie est porté à 110 Md€.[14] Les 500 Md€ mobilisés pour l’économie par le Président sont en grande partie des prêts ou des reports d’échéances fiscales.
En Mars 2020, la BCE ne dispose plus des mêmes marges de manœuvre pour répondre à la crise de la Covid-19. La Réserve fédérale américaine et les banques centrales du Canada et d’Angleterre ont abaissé leurs taux directeurs. La BCE n’a pas bougé, son taux est toujours à zéro. « Nous avions eu en 2008-2009 le grand big bang des banques centrales« , a rappelé la cheffe économiste de l’OCDE Laurence Boone. « Nous avons besoin d’un même big bang, mais du côté budgétaire cette fois-ci« .[15]
Les Français paieront jusqu’en 2050. En effet,les emprunts de l’État financés par des obligations assimilables du trésor à 30 ans sont à échéance de 2050 et le remboursement du plan de relance Européen n’interviendra qu’à compter du budget 2028-2035. [16]
La France accuse déjà un niveau de dette colossal. Après la catastrophe du Covid-19, il faut bien rembourser cette dette qui sera à long terme. Elle se traduira par une augmentation des impôts ou une perte du pouvoir d’achat de la monnaie. C’est le retour de l’inflation : plus il y a d’inflation plus les rentrées fiscales augmentent. Dans les deux cas, il y a une perte de pouvoir d’achat des ménages. En utilisant les mêmes palliatifs, la France prend le risque de subir les mêmes conséquences qu’en 2008-2014. Six ans après la crise de 2008, Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à Sciences Po, a relevé huit conséquences à cette crise : stagnation, perte massive d’emplois, dégradation des finances publiques, augmentation de la dette de la France, augmentation des dépenses publiques, augmentation des impôts et prélèvements obligatoires, persistance du déficit de la balance commerciale et dégradation de la position nette extérieure.[17]
L’endettement pour améliorer la trésorerie des entreprises par la baisse des impôts de production ou financer l’emploi et la formation n’est pas la seule façon pour l’État de créer le choc nécessaire de la relance. Il existe plusieurs autres méthodes pour des réels investissements créateurs d’emplois et de richesse :
Libérer la capacité d’investissement de l’État. I4CE propose d’arrêter certains investissements publics qui sont un préjudice pour le climat. Ces arrêts permettraient de libérer une capacité d’investissement à l’échelle de l’État ou de créer des impulsions publiques pour sortir des crises[18] Il existe aussi des pistes de travail proposées par des acteurs comme Pascal Canfin (WWF) et Philippe Zaouati (MIROVA). Ces propositions permettraient de positionner l’État dans le financement de la transition, notamment des systèmes de garanties publiques afin de partager le risque entre public et privé[19]. Et enfin la création d’un salaire républicain de solidarité (SRS) de 1 450 € net mensuel pour 17 millions de Français.[20] L’investissement annuel pour créer ce salaire de solidarité doit venir des dépenses liées à la pauvreté et à l’exclusion sociale[21] (21,9 Md€) et celles liées à l’emploi (44,5 Md€)[22]. Ces deux dépenses n’ont plus lieu d’être. En effet, le but du SRS est de lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Par la même occasion il participe à l’objectif zéro chômeur.
Baissé temporairement la TVA. L’Allemagne a décidé de baisser provisoirement ses taux de TVA pour relancer la consommation après la crise de la Covid-19. Pour le ministre français de l’économie c’est un non-sens. Pourtant, pour contrer la récession et développer le made in France c’est un très bon outil. [23]
Créer un livret d’épargne écologique et social pour une relance durable. Il faut investir immédiatement sur des projets réels soit 100 milliards d’euros par an sur 10 ans dans le cadre d’un pacte vert et non seulement 15 Md€ par an sur 2 ans comme le prévoit le gouvernement. Tous les investissements seront destinés à améliorer l’avenir du citoyen et à protéger la nature.[24]
Créer un livret d’épargne pour les entreprises responsables. Après la catastrophe de la Covid-19, le gouvernement doit arrêter la valse des plans de relances matérialisés par des prêts ou garantis aux entreprises et soutenir un vrai fonds d’investissement citoyen de 10 milliards d’euros par an sur 10 ans, pour l’augmentation des capitaux et fonds propres des PME-PMI, et non 3 Md€ sur 2 ans. [25]
Faire du rural un point d’appui clé pour la relance. Les élus ruraux se sont retrouvés en première ligne dans la gestion des deux dernières crises les gilets jaunes puis la Covid-19. Le confinement a renforcé le désir de campagne des citadins. Alors pour relancer l’économie, faut-il pousser les français à augmenter leur consommation ou les inciter à investir dans un fonds de développement rural venant spécialement des économies forcées des ménages français [26] ? C’est minimum 80 Md€ qu’il faut investir au lieu de 4,2 Md€ sur 2 ans.
La France n’atteindra ses objectifs de relance et de neutralité carbone que si les citoyens pouvaient s’associer au financement des projets.
[1] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/fort-appetit-pour-lemprunt-a-30-ans-de-la-france-992490
[2] https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/relance-le-plan-sarkozy-est-il-suffisamment-puissant_1342179.html
[3] https://www.bfmtv.com/economie/que-retenir-des-annonces-de-jean-castex-pour-les-entreprises_AD-202008260203.html
[4] https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/en-direct-jean-castex-presente-les-details-du-plan-de-relance-1239020
[5] https://www.challenges.fr/finance-et-marche/ou-sont-passes-les-4-000-milliards-d-euros-injectes-dans-l-economie-par-la-bce_520551
[6] https://www.capital.fr/economie-politique/la-crise-de-2008-a-10-ans-voila-ce-quelle-a-coute-a-la-france-1314379
[7]https://www.economie.gouv.fr/cedef/dette-publique
[8] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/coronavirus-vers-une-indemnite-mensuelle-pour-les-independants-1185901
[9] https://www.capital.fr/entreprises-marches/allemagne-le-parlement-approuve-un-plan-de-relance-faramineux-1365754
[10] https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-union-europeenne-veut-allouer-37-milliards-d-euros-pour-soutenir-les-economies-des-etats-membres.N940221
[11] https://www.lesechos.fr/monde/europe/coronavirus-les-pays-de-lue-sentendent-sur-une-reponse-economique-commune-1193858
[12] https://www.lesechos.fr/monde/europe/plan-de-relance-europeen-macron-et-merkel-arrachent-un-accord-historique-mais-rabote-1225056
[13] -et-148-morts-suivez-notre-direct-1 http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-une-france-confinee-ce-midi-et-en-guerre-contre-l-epidemie-6633-cas-detectes 7-03-2020-8281689.php
[14] https://www.rtl.fr/actu/bien-etre/coronavirus-le-senat-vote-un-nouveau-budget-de-110-milliards-d-euros-7800433036
[15] https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/crise-de-2008-et-choc-economique-du-coronavirus-comparaison-1875173.html
[16] https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/plan-de-relance-la-commission-europ%C3%A9enne-propose-750-milliards-deuros/ar-BB14FgTK
[17] https://www.latribune.fr/blogs/generation-deficits/20140915tribe3d93ecbb/les-huit-consequences-desastreuses-de-la-crise-de-2008-sur-la-france.html
[18] https://www.i4ce.org/download/investissements-climat-dans-la-sortie-de-crise-covid19/
[19] https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2019-02/201812_Rapport_Pour_la_creation_de_France_Transition-min.pdf
[20] https://blogs.mediapart.fr/gabriel-gaspard/blog/270120/face-la-catastrophe-du-covid-19-le-retour-du-revenu-universel?userid=0d1d19f3-c6dd-4545-bca3-9242bdfe8729
[21] https://www.cnle.gouv.fr/Les-minima-sociaux-des-prestations.html
[22]https://www.clesdusocial.com/les-chiffres-de-la-protection-sociale-et-prestations-sociales-en-france
[23] https://www.marianne.net/debattons/forum/la-modification-temporaire-des-taux-de-la-tva-un-outil-contre-la-recession-l-exces-d
[24] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-une-relance-durable-un-livret-d-epargne-ecologique-et-social-855555.html
[25] https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-pour-un-livret-entreprise-responsable-1210643
[26] https://www.marianne.net/debattons/forum/apres-les-elections-municipales-et-la-catastrophe-de-la-covid-19-faire-du-rural-un