
Par Gabriel Gaspard
Publié le 02/12/2021 à 6:00
Dans une tribune, Gabriel Gaspard, chef d’entreprise à la retraite, docteur en informatique des organisations et auteur de « Vers une économie écosociale pour sortir des crises » (Vérone), estime que la lutte contre le changement climatique demandera des investissements à la portée des États.
Il est désormais acquis que l’activité humaine a contribué au réchauffement de la planète et que seuls des investissements considérables peuvent sauver le climat. C’est une guerre financière importante à mener immédiatement au niveau mondial. La seule guerre qui évitera des millions de victimes.
De la COP1 à Berlin en 1995 à la COP26 à Glasgow en 2021, les bilans sont très amers si ce n’est catastrophique. Les citoyens aspirent toujours à une vie meilleure. Les gouvernements veulent assurer une croissance forte. Les entreprises veulent faire des profits. Ces espérances peuvent-elles toutes être comblées en même temps et sous le contrôle des États ?
Accusant les dirigeants mondiaux de faire des promesses qui ne seront pas tenues, les jeunes poussent les gouvernements à agir. Mais les chefs d’États veulent garder le pouvoir. Ainsi, ils aspirent à une dictature ou à répondre aux désirs de leurs électeurs. En même temps, ils essayent de réduire l’impact du CO2 sur la planète. Les Banques centrales essayent de lutter contre l’augmentation des prix. Elles favorisent les producteurs d’énergies fossiles tout en intégrant une feuille de route ambitieuse visant à intégrer les questions liées au changement climatique dans leur stratégie monétaire. Les citoyens souhaitent une vie meilleure surtout pour leurs enfants. Faut-il choisir entre nos niveaux de vie actuels ou le réchauffement climatique qui est catastrophique pour la sécurité mondiale de demain ?
Investir pour le climat
Il est possible aux pays les plus riches, quels que soient leurs revenus, de construire une économie durable et croissante tout en réduisant les risques liés au changement climatique. Les changements doivent être budgétaires, structurels, innovants et acceptés par la société civile. Il manque une volonté politique courageuse et rationnelle pour mettre en place un potentiel d’investissement ambitieux dans plusieurs domaines de l’économie. Il est curieux que les règles monétaires, qui rendent aujourd’hui impossible le financement des investissements climat à long terme, n’aient pas résisté face au sauvetage des acteurs du système bancaire et financier en 2008 et le « quoi qu’il en coûte » mondial de la pandémie de la Covid-19.
Les gouvernements des pays les plus riches veulent-ils réellement investir pour le climat et la biodiversité ? En 2015, dans l’accord de Paris et dans le programme de développement durable à l’horizon 2030, les gouvernements ont trouvé un accord collectif pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Les résultats se font attendre. En 2017, sous la présidence allemande du G20, une étude de l’OCDE intitulée « Investir dans le climat, investir dans la croissance » a été publiée. Elle trace le chemin à suivre : « Les pays du G20 peuvent parvenir à une croissance économique forte et inclusive tout en réorientant leurs économies vers des trajectoires de développement qui combinent faibles émissions de gaz à effet de serre et forte résilience aux effets du changement climatique. »
Quatre ans plus tard, c’est le « Flop26 », 200 États sont tombés d’accord pour garder intact l’accord de Paris, limiter les émissions de gaz à effet de serre et aider les pays pauvres en 2023. Pourtant en 2009, à la COP de Copenhague, les pays les plus riches s’étaient déjà engagés à verser 100 milliards par an aux plus pauvres. Onze ans plus tard, le compte n’y est pas. Un fiasco complet. « Tous les pays sont loin de la réalité des événements climatiques extrêmes. »
Quel investissement pour une croissance économique forte avec une protection de la nature ? Les pays du G20 constituent presque les deux tiers de la population mondiale, 85 % du produit intérieur brut mondial (PIB), les trois quarts du commerce mondial et 80 % des émissions de CO2 de la planète. Veulent-ils réellement investir ? Le 31 octobre dernier à Rome, les mêmes pays réaffirmaient l’objectif de l’accord de Paris et s’engageaient, de nouveau, à reverser aux pays les plus pauvres 100 milliards de dollars. « Bla-bla-bla », dénonçait Greta Thunberg. Pour les dirigeants des pays du G20, la menace de dégâts provoqués par le changement climatique est trop éloignée dans le temps pour susciter l’adoption de mesures immédiates.
Pourquoi le G20 s’engage sur la réforme de la taxation mondiale mais assure le minimum sur le climat sans indiquer d’échéance précise et sans valider les investissements nécessaires ? Selon les simulations de l’OCDE, pour rester sous 2 °C de réchauffement, les investissements requis par rapport à une politique inchangée sont de 600 milliards de dollars par an sur quinze ans pour les nouvelles infrastructures, soit une majoration de 10 % ou 0,68 % du PIB mondial, hors prise en compte des problèmes climatiques.
Dans le rapport du GIEC de 2018 sur le réchauffement planétaire de 1,5 °C, les experts signalaient au monde de la finance qu’il fallait quelque 2 400 milliards de dollars d’investissements annuels entre 2016 et 2035 pour la transformation des systèmes énergétiques, soit 2,7 % du PIB mondial. Un coût qu’il faut mettre en regard avec le coût, bien plus élevé, de l’inaction, qui selon une étude de Swiss Re Institute d’avril 2021, pourrait faire perdre chaque année jusqu’à 14 % du PIB mondial.
Ni croissance, ni décroissance
Tous les pays sont loin de la réalité des événements climatiques extrêmes. Avec un véritable coût de la pollution de l’air et de l’eau, des risques industriels, des catastrophes naturelles liées à l’environnement et la gestion des ressources naturelles, l’ONU arrive à un investissement de 4,7 % du PIB mondial d’ici 2050. Soit 4 100 milliards de dollars par an qui devront être payés par les vingt pays les plus riches (4,7 milliards d’habitants) dont 619 milliards à reverser aux 15 % des pays les plus pauvres chaque année.
La feuille de route budgétaire pour l’investissement climat est la suivante : chaque gouvernement doit envisager des impôts plus élevés pour les milliardaires (2 755 de milliardaires avec une fortune de 13 100 milliards de dollars). Chaque pays du G20 doit participer à cet investissement en fonction de son poids dans le PIB total du groupe. Il doit fournir une relance budgétaire temporaire tout en planifiant un ajustement à long terme et l’arrêt de certains investissements publics qui sont un préjudice pour le climat. Ce fonds doit venir de la richesse mondiale de 418,300 milliards de dollars en dirigeant 1 % de cette richesse, abritée dans l’épargne des ménages les plus riches, vers des investissements écosociaux dans un cadre réglementé. La croissance fera le reste. Cette croissance devrait atteindre entre 4,5 % et 5,5 % l’an durant les dix prochaines années.