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Par Gabriel Gaspard

Publié le 22 Mai 2024, 8:31

OPINION. Les élections au Parlement européen auront lieu du 6 au 9 juin 2024. C’est l’occasion de faire le point sur quelques travaux interminables qui compromettent le développement européen. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.

Adopté en 2007, le Traité de Lisbonne encadre actuellement le fonctionnement de l’UE. « Il a été engagé à la suite du résultat négatif de deux référendums sur le traité constitutionnel tenus en mai et juin 2005 ». Le but de ce Traité était de favoriser la croissance et l’emploi tout en maintenant la compétitivité de l’économie européenne. Ce Traité a changé l’Europe mais a-t-il apporter une solution aux blocages que connaissait l’Union ?

On s’aperçoit aujourd’hui, dans un contexte international ébranlé, marqué par une guerre à la porte de l’Europe, une nouvelle guerre au Moyen-Orient et une tension entre la chine et les États-Unis, que ce Traité n’a pas créé le renouveau voulu des modèles capitalistes européens. Il a cherché à réformer un modèle néolibéral par un mouvement de réformes structurelles (santé, retraite, chômage, etc.).

« Ces réformes n’ont pas permis pour autant de combler l’écart de PIB par habitant avec les pays les plus performants ». Si la classe moyenne continue à disparaître à cause des réformes structurelles et si les nationalistes et les populistes devenaient majoritaires au Parlement européen, est-ce la fin de « l’Europe du progrès » ?

Même si les conséquences et les impacts des traités sont satisfaisants pour les Européens, il reste beaucoup de travaux plus que jamais nécessaires à finaliser.

L’Europe de la défense 1945 ?

En mars 2022, invasion de l’Ukraine par la Russie, les chefs d’Etat et de gouvernement des États membres de l’Union européenne ont avalisé « la Boussole stratégique » : « la Boussole stratégique fixe un cap clair et ambitieux pour les dix prochaines années, pour renforcer la liberté d’action et la résilience des Européens ».

Les étapes de l’Europe de la défense : 1945-1989 : faute d’accord sur la défense, les États européens s’accordent sur l’idée d’une solidarité économique ; 1989-2003 : dans un contexte stratégique bouleversé, l’Union européenne relève la nécessité d’une défense commune ; 2003-2016 : les premiers pas de l’Europe de la défense ; 2016-2022 : vers une autonomie stratégique européenne ; 2022-? : la défense européenne n’est-elle rien sans l’Otan ?

L’harmonisation fiscale des sociétés 1957 ?

La liberté d’établissement en droit communautaire a été instaurée par le Traité de Rome en 1957. L’un des objectifs initiaux était d’établir des conditions favorables au développement des activités économiques communautaires et permettre ainsi la réalisation du Marché intérieur.

Les objectifs sont la prévention de l’évasion fiscale et l’élimination de la double imposition. « Sur un plan général, une certaine harmonisation de l’imposition des sociétés peut se justifier pour prévenir les distorsions de la concurrence (en particulier dans les décisions d’investissement) ainsi que pour éviter « une mise en concurrence fiscale » et réduire les possibilités de manipulation comptable ».

La Commission européenne a finalement adopté le 12 septembre 2023, le cadre pour l’imposition des revenus (BEFIT), qui facilitera la vie des entreprises comme les autorités fiscales grâce à la mise en place d’un nouvel ensemble unique de règles pour déterminer la base d’imposition des groupes d’entreprises. S’il est voté par le Parlement européen en 2024, le BEFIT devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2028 et pour la proposition relative à la fixation des prix de transfert le 1er juillet 2026.

Le marché des capitaux en Europe 1957 ?

L’UE travaille depuis le Traité de Rome en 1957 à la mise en place d’un marché unique des capitaux dans tous les États membres : « son objectif est de faire circuler les investissements et l’épargne entre tous les États membres dans l’intérêt des citoyens, des entreprises et des investisseurs ».

L’Objectif n’a pas encore été atteint. Les marchés des capitaux européens restent fragmentés. Ils sont plus déréglementés aujourd’hui qu’avant la crise financière mondiale de 2008. Cette situation pèse également sur l’attractivité de l’UE et limite les choix dont disposent les épargnants et les investisseurs. En Europe, il n’existe pas de système budgétaire central stabilisateur. Ce système existe aux États-Unis où 61% des entreprises sont financées par le marché et 39% par les banques. En revanche, dans la zone euro, 21% des entreprises ont recours aux marchés et 79% aux crédits bancaires (Banque de France 2022).

Pendant la prochaine législature européenne 2024 -2029 l’UE doit finaliser trois domaines d’actions prioritaires dans lesquels des mesures sont nécessaires pour améliorer le fonctionnement des marchés de capitaux européens : développement d’un système réglementaire compétitif, garantir un meilleur accès aux financements privés, créer de meilleures opportunités pour les citoyens. In fine il faut attendre pour rendre le marché des capitaux en Europe plus résilient.

La TVA financière 1977 ?

La TVA financière pourrait être un remède pour des ressources européenne mais les services financiers sont, pour l’essentiel, exonérés en vertu de l’article 135 de la directive européenne du 28 novembre 2006 sur la TVA, dont les dispositions n’ont pas évolué depuis 1977, malgré les transformations considérables du secteur financier depuis cette date.

La commission a tenté de moderniser ces règles en organisant une consultation publique en 2006 en vue d’adapter les exonérations de financement et d’assurance de la TVA pour tenir compte de l’évolution du marché. En fin de compte ce projet a échoué à la suite de désaccords entre les États membres.

En 2020, dans son plan d’action pour une fiscalité juste et simple soutenant la stratégie de relance, la commission européenne a publié une analyse d’impact initiale de la révision des règles de TVA sur les services financiers et d’assurance. « Au vu des questions qu’elle a soumises à consultation publique en février 2021, la Commission européenne ne paraît pas plus qu’en 2007 prête à s’engager sur la voie d’un rétrécissement du champ d’application de l’exonération qui rencontrerait en tout état de cause de nombreux obstacles tels que la difficulté d’en évaluer l’impact économique réel… l’attachement à l’exonération des États membres et de certains opérateurs du secteur… » CMS Francis Lefebvre.

Les critères de convergences 1992-2031

L’UE a mis en place les critères de convergence avec le Traité de Maastricht de 1992. Elle a établi des seuils à ne pas dépasser. Mais les principaux critères ont été suspendus à cause de la pandémie de la Covid en 2020. Cette suspension a été prolongée jusqu’à fin 2023 pour faire face au ralentissement économique provoqué par la guerre en Ukraine.

Dans l’UE, les situations budgétaires, les difficultés et les perspectives économiques varient considérablement d’un État membre à l’autre. Une même approche pour tous ne fonctionne donc pas.

Le Parlement européen a validé une nouvelle réforme le 23 avril 2024 avec des autorisations de dépassement. Toujours avec un plafond de dette maintenu à 60% du PIB et un déficit public limité à 3% du PIB, chaque État dispose de 4 ans pour retrouver une trajectoire viable de réduction des dépenses publiques, période qui peut être prolongée de 3 ans si le Conseil européen l’accepte. Chaque État pourra s’écarter de sa trajectoire pour des circonstances exceptionnelles. En d’autres termes il faut attendre 2031 pour revenir à une situation fixée en 1992.

L’euro numérique 1992 ?

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